Pierre Hassner, La terreur et l'empire, Paris : Ed. Le Seuil, 2006
"La violence et la paix II", 411 p.
J'avais préparé un petit résumé ainsi qu'une critique dessus, je vous les propose donc à vous aussi :
Résumé :
L’ouvrage est divisé en deux parties principales. La première est essentiellement historique, la seconde plus philosophique. Après une exposition des possibles évolutions exposées dans un texte écrit au lendemain de la Guerre Froide, l’auteur revient et détaille la genèse des Etats d’Europe centrale, sur la chute du communisme et sur les dangers du totalitarisme.
Pierre Hassner pose ensuite la question de la réelle efficacité de la communauté internationale notamment dans l’aide humanitaire ou la résolution de conflits en prenant l’exemple de l’ex-Yougoslavie. Les gouvernements et organisations internationales mettent en place le plus souvent une « politique du geste ». En d’autres termes, des mesures sont prises pour montrer l’intérêt ou la solidarité, mais sans que l’on ne se donne réellement les moyens de changer la situation.
L’Histoire nous porte ensuite jusqu’aux attentats du 11 Septembre 2001. L’auteur intègre la notion de dialectique du bourgeois et du barbare. Si les conflits se multiplient dans les pays du Sud, ils ne séviraient plus dans le monde occidental. Cependant, le XXIe siècle est l’avènement d’une nouvelle guerre, la lutte contre le terrorisme. C’est aujourd’hui la distance entre les sociétés plutôt que les Etats eux-mêmes qui crée les conflits.
Dans la seconde partie, l’auteur poursuit sa théorie historique en soulignant que le spectre de la révolution islamiste aurait remplacé le communisme. Par ailleurs, si le XXe siècle était celui de la dissuasion, notamment par le biais de l’arme nucléaire, nous serions actuellement rentrés dans une ère de violence diffuse où le « pouvoir de détruire peut être utilisé non seulement pour dissuader mais aussi pour influencer ».
En effet, la notion de dissuasion ne peut être efficace lorsque l’adversaire ne craint ni la torture, ni même la mort. Au terme de risque s’est substitué celui de menace. Désormais, on ne sait d’où vient l’ennemi, il n’a ni territoire défini, ni population sous contrôle. L’anthrax, le gaz Samin diffusé par la secte d’Aoum dans le métro de Tokyo sont encore bien plus inquiétants que les attentats de 2001.
Enfin, Pierre Hassner conclut son ouvrage avec un discours de Tocqueville qui malgré son ancienneté (1844) semble toujours d’actualité. On pourra en retenir une phrase notamment« la guerre est terminée dit-on, moi qu’elle n’a fait que changer de théâtre (…) des opinions elle est passée dans les intérêts (…) de politique, elle est devenue philosophique et religieuse ».
Critique :
En ce qui concerne la forme, commencer l’ouvrage avec un texte écrit au lendemain de la Guerre Froide est pertinent dans la mesure où cela nous permet de comparer les expectations quant à l’évolution de l’Europe et ce qu’il en est advenu tout au long de l’ouvrage. Par ailleurs, la première partie historique permet de resituer efficacement les évènements et d’être plus disponibles et au fait des réalités actuelles lors de la seconde partie plus philosophique.
Si selon Pierre Hassner, les sciences politiques nous apportent des concepts tandis que les réponses sont données par l’histoire et la philosophie. Son livre s’inscrit dans cette optique en nous offrant des bases, concepts dans une première partie pour chercher ensuite des réponses dans une seconde partie, même si elle consiste plus en des interrogations. Par ailleurs, si le choix du conflit en ex-Yougoslavie dans l’illustration des politiques étatiques dans le domaine de l’humanitaire semble restreint dans un premier temps, il permet d’expliciter efficacement de nombreuses notions.
Les très nombreuses références permettent d’appuyer et d’illustrer chacun des points qu’il mentionne par de nombreux auteurs. Ainsi, il est possible d’approfondir chacun des points abordés, cette œuvre comporte une mine d’informations. La seule critique que l’on pourrait apposer à cela, c’est qu’il n’est pas toujours facile de suivre le fil de l’ouvrage et de comprendre où l’auteur veut en venir. Cependant, il apparaît difficile d’apporter des réponses concrètes au type d’interrogations posées dans La Terreur et l’Empire.
En ce qui concerne le fond, son approche est éclairante dans la mesure où l’on remonte de la chute du communisme et des totalitarisme pour arriver à la lutte actuelle contre le terrorisme. Cela permet de ne pas dissocier tout à fait les événements. Lorsqu’il cite Rummel, selon qui, le nombre d’hommes tués par leur propre gouvernement (environ 150 millions) dépasserait de loin toutes les conflits inter-étatiques du XXe siècle, même les guerres mondiales ou civiles, cela permet de s’interroger sur ce que nous considérons vraiment comme horreurs et guerres principales.
Son approche du Droit International Public comme remplacement du symbole d’une autorité spirituelle qui jugerait justes ou injustes les causes est intéressante dans un premier temps mais trouvent ses limites dans le fait que ce droit ne puisse être réellement une instance supérieures, puisque créée de facto par les Etats.
D’autre part, la dialectique du bourgeois et du barbare est à questionner, notamment dans le potentiel de violence et de répression que possèdent les Etats qu’ils qualifient appartenir au monde occidental ou bourgeois. Il met un peu cela en avant en parlant de la babarisation du bourgeois et de l’embourgeoisement du barbare mais cela pourrait certainement être un peu plus approfondi.
Enfin, le caractère de son œuvre s’inscrit certainement dans les questionnements qu’elle laisse à l’esprit une fois l’œuvre terminée. Peut-on faire le mal en vue du bien ? Comment lutter contre les crimes à l’encontre des droits de l’homme sans pour autant déclencher de nouvelles guerres, voire même de nouveaux génocides ? La Terreur et l’Empire semble donc être une base essentielle pour comprendre les nouveaux enjeux et défis contemporains.
Livre : La terreur et l'empire, Pierre Hassner
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