Gudrule est un fervent admirateur des grandes figures du poker, il n’a cependant jamais osé jouer de partie réelle. Par le biais d’internet, il a rencontré une communauté de joueurs et est sur le point aujourd’hui de réaliser son rêve de toujours. Pimprenelle et Fotichon sont membres de cette communauté.
Après bien des mésaventures, Gudrule, coincé entre deux joueurs qui ne perdaient pas une occasion de se chambrer commençait à se trouver un peu plus à son aise. Cependant, cette sensation fut de courte durée. En effet, il se trouva bien vite décontenancé par cette manie qu’avait l’une des joueuses de faire rimer chacune de ses mises !
S’il relançait à 12, elle lui hurlait pratiquement « nerver loose », il avait alors bien tenté 18 mais on lui avait alors rétorqué, tout sourires, « never bad beat ! ». Même lorsqu’il avait fait tapis pour la première fois en annonçant « 300 », la légère Pimprenelle lui avait clamé d’une voix chantante « comme le film ! ».
Notre gentille Pimprenelle était poète dans l’âme, elle avait beau essayé de se contrôler, ce caractère faisait partie intégrante d’elle-même. En fait, elle n’essayait jamais de se contrôler, faire rimer les cartes était devenu pour elle, plus qu’un amusement, une passion. On y était habitué à la table et on s’était bien vite accommodé de cette petite caractéristique qui rendait sa présence spéciale. Cependant, elle voyait bien le trouble de l’un des deux nouveaux joueurs, Guquelque chose face à son art si exotique, elle ne se priva donc pas pour en user et en abuser !
Amusé par le nouvel entrain de Pimprenelle, Fotichon tentait d’entrer en communication avec la vie intrinsèque des deux cartes qui venaient de lui être distribuées. Il avait derrière lui une longue carrière de prestigitateur.
Muni d’un don exceptionnel dans notre monde actuel, il savait rendre chacune de ses mains fétiches, certains nommait son talent aura, d’autres, plus aigris parlait de chance. Capable néanmoins jeter 6 et 2, il voulut faire plaisir à Pimprenelle en lui montrant, ce qu’il lui valu un « 6 et 2, méfiteux ! » déclamé d’un air condescendant.
Mais que cela signifiait-il ? Notre sympathique Gudrule commença à prendre peur. Se trouvait-il au sein d’un complot secret visant à le dépouiller puis à lui faire subir d’atroces tortures jusqu’à ce que son cerveau ingère ces formules indigestes ? Qui étaient donc ces mystérieux personnages ? Pourquoi semblaient-ils à la fois si différents et en même temps si proches ?
La partie poursuivait néanmoins son cours. Il lui semblait maintenant que les membres un peu déjantés de cette organisation étaient passés au niveau supérieur. Les « never loose » avaient fait place à des allocutions pour le moins étranges telles que « fish » ou « chattard ».
Gudrule n’avait certes jamais été très bon en anglais mais il lui semblait pourtant bien que cela signifiait « poisson », de plus son sens de la déduction très élaboré lui fit prendre conscience qu’au mot « chattard » on pouvait soutirer la racine « chat ».
L’utilisation intempestive de ces deux termes associé à ce qu’il avait pu entendre précédemment commença à sérieusement troubler notre héros.
Son cerveau se mit alors en marche (non pas qu’il ne l’ait pas été avant cet instant) et après plusieurs minutes d’intenses réflexions, il comprit enfin ce qu’il considéra comme le dévoilement du pourquoi du comment.
Le chat et le poisson devaient figurer une espèce de ying et de yang, deux énergies contraires et complémentaires qui permettaient à cette table d’accéder à une certaine harmonie. De plus l’utilisation des animaux et le fait que le chat puisse manger le poisson amenait au retour à la chaîne alimentaire, la boucle était donc bouclée.
Quant aux rimes, il n’en avait pas encore élucidé la signification mais il faisait confiance à son esprit à présent en ébullition, il s’agissait en fait certainement d’une quelconque superstition dont le sens lui serait bientôt dévoilé.
Fotichon observait son adversaire. Ils n’étaient plus qu’à deux dans le coup que lui-même jouait d’une manière tout à fait extraordinaire et talentueuse. Il était cependant en plein bluff et s’impatientait quant à ce qu’allait pouvoir faire ce newbie de Gumachin.
Une ombre pâle régnait sur le visage de celui-ci, il semblait avoir peur. Etait-il en plein bluff ? Le pot dressé devant eux était énorme, il devait lui revenir, il devait absolument lui revenir ! Les cartes sur le board importaient peu, cela faisait maintenant des mois qu’il rêvait de fétichiser cette main, il savait qu’il en était capable !
« Gudrule ? C’est à toi ! » lança la petite voix fluette de Pimprenelle. Elle avait compris en l’observant que Fotichon était en pleine fétichisation de l’une de ses nouvelles mains qu’il déclamerait à présent comme favorite. Elle ne pu s’empêcher d’espérer qu’elle pourrait y trouver une rime adéquate. Les temps étaient durs de nos jours et cela devenait de plus en plus rare. L’originalité dont elle avait toujours fait preuve s’était un peu affaissée.
Impatiente de nature, elle eut cependant pitié du pauvre Gudrule qui était pâle comme un linge. Il semblait nerveux, elle le vit déglutir sa salive, ses mains tremblaient légèrement, que s’apprêtait-il donc à faire ?
La voix de la joueuse située en face de lui le fit sortir de ses pensées « Gudrule ? C’est à toi ! ».
C’était à lui ! Que devait-il faire ? Fallait-il qu’il se contente de faire semblant de n’avoir rien compris, devait-il folder sa théorie s’exposant ainsi à d’innombrables regrets mais s’assurant alors la certitude de rentrer chez lui sain et sauf ?
Ou devait-il, au contraire, se lancer, prendre le risque de prononcer l’irrémédiable, l’ardente théorie qui lui brûlait désormais les lèvres ?
Quelques gouttes de sueur commençaient à perler sur son front, son cœur battait un peu plus vite. Il se sentait transporté par l’adrénaline qui l’animait à l’idée de leur exposer ce qu’il pensait avoir compris. Mais s’il se trompait ? Ce choix était décidément bien cornélien pour le simple Gudrule.
« Gudrule ? » « Time ! » lança agressivement Fotichon qui ne semblait, lui, éprouver aucune pitié pour son adversaire stressé.
On lui avait longtemps reproché le rapport qu’il pouvait avoir avec les cartes, prétendant que la chance lui souriait. Mais au fond, lui seul connaissait la vérité, cela s’appelait le talent. Envié et jalousé de ses semblables, il comprenait tout à fait leur désarrois face à une si grande maîtrise de la communication qu’il pouvait entretenir avec les cartes.
Parfaitement bilingue à présent, le pauvre Gudrule comprit que le temps lui était compté. Alors, d’un bond, il se leva, révélant ainsi son être dans toute sa splendeur et prononça les mots que son esprit avait formulé, perçant ainsi à jour le supposé secret de cette réunion. Il s’exécuta tant et si bien qu’il prit la parole pendant presque trois minutes.
Lorsqu’il eut enfin fini, un silence de plomb s’abattit sur la salle. Tous les regards étaient rivés vers lui, médusés, hébétés. Etait-il out ? Etait-ce la fin pour lui ? Gudrule retint alors son souffle et ferma les yeux pendant 37 secondes qui lui parurent une éternité. En manque crucial d’oxygène, il se décida à respirer à nouveau et ouvrir les yeux. On le regardait toujours.
Pimprenelle était complètement abasourdie, elle regardait le nouveau joueur, Gurule ou quelque chose dans ce genre, bouche bée. D’où lui venait donc cette inspiration ? Elle eut une petite pincée au cœur lorsqu’elle songea qu’il avait de loin surpassé son elo en imagination … Pas mauvaise pour autant elle se ressaisit cependant et l’admira d’un œil nouveau.
Fotichon croisa le regard du newbie aux mains tremblantes. Il tenta de se contrôler quelques secondes mais déjà un rictus délirant se formait sur ses lèvres. Sa bouche se tordait comme s’il essayait de contenir l’irrévocable. Ses yeux s’emplissaient de larmes et soudain il éclata d’un rire tonitruant. Il fut rapidement suivi par son voisin et bientôt le reste de la table était écroulé de rire. Plus personne ne parvenait à s’arrêter.
« Tu es un drôle toi ! » lui dit-il, alors qu’une larme glissait le long de sa joue.
Notre ami Gudrule, à la vue de cette scène fantastique, se laissa lui aussi gagner par le rire, il se sentait bien. Après tout, peu lui importait d’avoir ou non compris cette étrange communauté, certes ces personnes restaient dans son esprit un peu étranges avec leur théorie non avouée du chat et du poisson mais au fond, il s’en fichait. Il passait un excellent moment et se sentait merveilleusement serein.
La partie s’arrêta peu de temps après et lorsqu’ils rentrèrent tous les trois chez eux, une légèreté nouvelle les habitait. Un sentiment d’euphorie qu’ils peinaient à décrire mais qui offrait à leur visage un sourire resplendissant de bonheur. Les cartes, la victoire ou les rimes ne comptaient plus, ils avaient tout trois passé un moment inoubliable ponctué de rencontres fortuites.
Et si, après tout, ça n’était pas le plus important autour d’une table ?
------------------ATELIER D'ECRITURE N°2--------------------
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Florian a écrit :very nice zelyh
mais qu'est ce que tu peux gratter en ce moment toi
Exact
J'avais dit que je profiterai des vacances pour écrire un peu, je le fais
Dernière édition par zelyh le Mercredi 13 Février 2008 17:44, édité 1 fois.
Thaam a écrit :Espèce de croquette de poisson congelée !
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