Les amateurs grisés par les cartes du France Poker tour
dimanche 13.02.2011, 05:19 - PAR BERNARD VIREL
Cinq cents joueurs, le cliquetis des jetons, et la passion au rendez-vous. Comme pour Alice, 21 ans, qui a découvert le poker il y a quelques mois et déjà en lice à Lille pour le championnat de France. PHOTO CHRISTOPHE LEFEBVRE Cinq cents joueurs, le cliquetis des jetons, et la passion au rendez-vous. Comme pour Alice, 21 ans, qui a découvert le poker il y a quelques mois et déjà en lice à Lille pour le championnat de France. PHOTO CHRISTOPHE LEFEBVRE
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Une vraie folie ! Il fallait être costaud pour faire partie du dernier cercle - 500 places à prendre - de l'étape lilloise du championnat de France de poker. En espérant décrocher le titre et le jackpot à Paris.
Oublions les clichés... Ces parties de poker disputées dans des arrière-salles enfumées, beaucoup vues dans de vieux films noirs. Avec des joueurs aux mines plutôt patibulaires. Fausse route... Le poker, aujourd'hui, se joue dans des lieux lumineux, comme ce week-end à Lille Grand Palais où se retrouvent les candidats au championnat de France. Prêts à en découdre autour des cinquante tables sagement rangées sous les toits, avec l'espoir de décrocher le titre et la timbale (1) en mai à Paris. Des joueurs de tous horizons, plutôt jeunes, à la passion souvent récente - quelques années tout au plus - et assez raisonnable.
« S'imposer des limites »
À l'image d'Alice, vingt et un ans, étudiante en droit (3e année) qui s'est mise au poker depuis septembre seulement. « C'est mon copain, lui aussi joueur, qui m'a incitée à m'y mettre, explique-t-elle, mais pour moi, il faut que ça reste un loisir. Avec tout ce que j'apprécie : l'adrénaline, le jeu, la patience qu'on doit s'imposer. » Une dizaine d'heures de pratique par semaine et c'est tout : « Il faut savoir s'imposer des limites, ça peut devenir une drogue. » Elle sait de quoi elle parle... Son ami, justement, Valentin, vingt-deux ans (et cinq de poker), venu la soutenir - faute d'avoir pu se qualifier - confie avoir « loupé ses études à cause de ça ». « Avant c'était huit heures par jour, sur Internet, j'ai dû arrêter... », confie-t-il. Totalement accro, grisé par l'argent facile (« une fois un gain de 2 500 dollars pour 5 de mise »), il ne joue plus que des parties entre amis, pour le plaisir... Il est vrai qu'il repart pour des études de kiné. Raisonnable, Sébastien, informaticien de trente-sept ans, le premier éliminé de l'étape lilloise - à 14 h 21 sous une standing ovation, comme le veut la coutume - assure l'être. « Je ne joue pas avec mes économies, je participe à quelques parties privées grâce à ce que je gagne sur Internet (2) », dit-il. Une passion qu'il a découverte en 2006, « à l'occasion d'une partie entre amis », avec en guise d'accélérateurs le film Rounders et Patrick Bruel (la plupart des joueurs le citent). Il a depuis intégré le club de poker de Lille, et participé deux fois aux championnats du monde à Las Vegas. « J'aime aussi ce côté-là du poker : voyager et rencontrer du monde, ça permet de se faire des amis. C'est une communauté. »
« Se dire qu'on est les meilleurs »
Au point de regarder le spectacle de loin, en spectateur, comme Vincent, 50 ans, de Liévin, joueur depuis deux ans : « J'essaie de retrouver des amis avec qui je joue sur Internet mais je ne connais que... leur pseudo. » Pas facile. Comme d'autres, il aime l'adrénaline, mais aussi ce côté « vicieux mais exaltant... de toujours se dire qu'on est les meilleurs ». Une passion qui lui coûte 50 E par mois : « Je ne dépasse pas ce budget... De toute façon, je sais que je ne vivrai jamais du poker. » Un rêve que de nombreux joueurs entrevoient pourtant et une réalité pour une des stars du France Poker tour, Davidi Kitai, trente et un ans, pro belge déjà qualifié mais venu se mesurer à de purs amateurs. Ce qui attire tant de gens vers le poker ? « C'est tout simplement un jeu accessible à tout le monde, explique-t-il, avec un facteur chance qui peut permettre à chacun de gagner au moins une fois. Car c'est sur le long terme que l'on juge la qualité d'un joueur. Sachant que la perfection absolue n'est pas possible. » Ce qui relativise... Et puis, outre l'argent facile, il y a aussi une vie de rêve, comme en parle Davidi Kitai, avec « cinq mois de voyages par an », des tours du monde à répétition... Pas de quoi lui faire regretter « la start-up montée après les études ». D'ailleurs, mercredi, il sera dans un avion pour Los Angeles. « C'est la vie que je voulais. » À table et un peu hors du monde... Comme beaucoup de joueurs amateurs, même si pour eux, l'évasion dure souvent beaucoup moins longtemps. •
1. Un « prize pool » d'un million d'euros (qui représente l'ensemble des gains) sera redistribué aux vainqueurs.
2. Où les règles sont identiques mais la manière de jouer différente, en raison de parties plus rapides et d'adversaires qu'on ne voit pas.
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actua ... u-fr.shtml