Messagepar Farlen » Mardi 28 Juin 2011 18:31
Lost Vegas
Paul McGuire (Auteur), Benjamin Gallen (Traduction)
Il est des ouvrages qui, à défaut de marquer une époque, scribouillent d'indélébile le vécu de certains lecteurs. Lost Vegas est assurément de ceux-ci, tant il burine nos pauvres méninges du marteau de l'ennui.
On raconte que le Dialogue des carmélites de Bernanos — jusqu'alors immarcescible parangon du livre soporifique — suscita chez Einstein l'intuition suprême d'un temps élastique, étirable à l’envi et futur pilier de sa fameuse théorie. À cette aune, Lost Vegas nous plonge dans un hypercube relativiste de lassitude. Pour tout dire, si une déesse du bâillement existait, Lost Vegas en serait l’incarnation, le magistral avatar advenu sur Terre pour supplanter Morphée et attirer tout lecteur dans les indépatouillables rets d’un sommeil abyssal.
On mesurera dès lors tout le talent de Benjamin Gallen, traducteur français de cette œuvre improbable. Car ce fut une gageure quasi-insurmontable de conserver mot après mot — lettre après lettre ! — la concentration nécessaire à si complexe adaptation. Après deux semaines de cette entreprise sisyphique, « Benjo » dut se résoudre au plus incroyable expédient : contacter le musée Kubrick pour emprunter l’écarquilleur porté par Malcolm McDowell à la fin d’Orange mécanique, et ainsi maintenir mécaniquement ses yeux ouverts chaque session de quelques minutes durant. Abnégation d’autant plus louable que le traducteur a souffert dans sa chair pour que nous souffrions dans notre mental : l’élargissement de ses orifices oculaires est aujourd'hui si marqué qu’on lui trouve désormais certaine ressemblance avec feu Paul le Poulpe.
Au final, Lost Vegas est donc une œuvre à lire avec modération... quoique nul n'ait en définitive le choix.
@+ Farlen