Thomas a écrit :Perso je ne télécharge pas gratuitement, je préfère payer pour respecter le travail de chacun et punir ceux qui veulent voler. C'est comme ça que je vois la République, un état de droits mais également de devoirs.
Ouais... vaut mieux lire ça que d'être aveugle. Cela montre une totale méconnaissance des motivations des « voleurs » qui téléchargent, de leur mode de vie, de leur consommation des biens culturels (au sens large) et de leur rôle présent ou futur dans la société.
Ces mêmes « voleurs » qui téléchargent à outrance sont les mêmes qui dépensent des fortunes pour assister à des concerts — de quantités de "petits" concerts pas chers à quelques grands réellement dispendieux. Grâce aux téléchargements, ils peuvent découvrir, apprécier et propager des artistes dont, autrement, il n'auraient jamais entendu parler. Si tu connaissais un peu le milieu des indés, tu saurais que le téléchargement via Internet est une bénédiction venue des Dieux. Là ou des magazines ne pouvaient qu'évoquer tel artiste ou tel groupe, tout un chacun peut désormais les écouter pour ce qu'ils sont et se faire sa propre opinion. Les téléchargements ont en fait dopé la diversité à un point qu'on peut difficilement imaginer, et je ne parle même pas des autres média que sont MySpace, etc.
Tu parles d'un état de droit, mais où est-il question dans ces arguments comptables du droit à la culture, à la découverte, et — surtout — à favoriser l'épanouissement d'un spectre artistique des plus larges ? Combien de jeunes (ou de moins jeunes) que tu qualifies de voleurs vont en effet développer une telle appétence pour la musique qu'ils vont eux-même devenir les producteurs de demain ? Evidemment, si l'on se complait dans un monde formaté tel qu'il nous est présenté par les radios et média d'aujourd'hui, on n'a aucune idée de cette diversité qui s'anime, survit et explore sans cesse de nouvelles voies, loin d'être évanescentes. Alors oui, ces voleurs vampirisent de la musique gratuitement, se nourrissent de cette manne sans en payer le prix, mais où est le manque à gagner ?
Pour l'industrie du disque ? Laisse-moi rire ! Ce sont les mêmes qui imposent des produits pré-machés à la populace, à des prix prohibitifs et en ayant d'yeux que pour le retour sur investissement. Un seul credo : ne pas prendre de risques avec des groupes ou des artistes mineurs, ça ne paye pas assez. Ou alors on sort des compilations à la mord-moi-le-noeud pour la simple et bonne raison qu'on n'a pas à payer les droits d'auteur comme pour un album complet.
En définitive, les "Grand Artistes", ceux qui se plaignent directement, ou par la voix des "industriels" qui les produisent, du piratage ne subissent qu'un naturel et bienvenu retour de bâton : ils étaient tellement habitués à être parmi les rares artistes à être diffusés sur les ondes qu'ils en ont oublié qu'ils n'étaient somme toute que la partie immergées de l'iceberg. Grace aux téléchargements illégaux, ils vont peut-être finir par comprendre que ce que leur rapportait leur travail était très largement sur-évalué, que leur statut des vedette était pour une large part dû à leur surexposition.
Ne leur jetons pas pour autant la plus grosse pierre : ils ont au moins le mérite de créer quelque chose. Il va juste leur falloir apprendre un peu l'humilité... et à mouiller le maillot. Au moins, quand on va voir un concert, on paye pour voir l'artiste à l'oeuvre.
De même, quand on va en boîte,on paye pour écouter la musique, notre hôte reversant sa dîmes à la sacem. Quand on écoute la radio, idem : sauf qu'on paye cette fois en écoutant les pub. Mais quand je suis chez moi, j'abuse de mon privilège de « voleur » et télécharge tant et plus. Ce qui ne m'empêche pas d'acheter des CD quand un artiste me plait particulièrement. De toute façon, je ne suis pas si voleur que ça puisque je paye des taxes invraisemblables sur tous les disques durs, les CD et DVD vierges et, de manière générale, sur tous les supports de masse. Sauf que ce qui me gave un peu, c'est qu'une fois de plus, cette autre manne est redistribuée au pro rata des ventes de disques. Du coup, j'aurais beau n'enregistrer que des albums d'indés, ce seraient encore les « vedettes » qui en tireraient profit. Quant aux pauvres non-voleurs qui n'ont jamais téléchargé un morceau de leur vie, tant pis pour eux : ils payent quand même lesdites taxes. Vraiment, je te le demande : qui vole qui ?
Je me suis attardé sur la musique, mais les même mécanismes sont en oeuvre pour le cinéma ou les séries TV. Sur un tracker français, un gars mets depuis une quinzaine de jours en téléchargement des comédies musicales comme Brigadoon, All that Jazz ou Band Wagon (avec Fred Astaire). Résultat : de jeunes voleurs vont voir — ou au moins entendre parler — de films qu'ils n'auraient jamais connu autrement.
Quant aux films plus récents, l'industrie cinématographique s'est gavée sur notre gueule pendant des années en vendant des films en VHS puis DVD a des prix prohibitifs. Des sommes colossales qui venaient bien sûr s'ajouter à l'exploitation en salle. Désolé, mais on a déjà suffisamment donné. Quand les éditeurs se sortiront les doigts du c..., j'acheterai volontiers leurs DVD : cela sous-entend qu'il y ait une véritable valeur ajoutée, en particulier des bonus qui vaillent le coup d'oeil. Ma vidéothèque regorge ainsi de tels DVD qui méritaient amplement la dépense ; mais je continuerai de télécharger les autres films que je n'aurai de toute façon pas acheté.
En définitive, il est toujours facile de se poser en donneur de leçons en traitant de « voleur » son prochain. Ca fait du bien à son ego de se croire du bon côté de la barrière. C'est dans l'air du temps, comme ce le fut en d'autres époques. Seulement voilà. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire le discours majoritairement diffusé, la société n'est pas composée de catégories de gens entrant dans tel ou tel moule, des bons et des méchants, des gens de gauche ou de droite, des voleurs ou des respectueux de la loi, etc. C'est nier l'individualité, et c'est pathétique.
Tu veux que j'enfonce le clou ? Je suis marié, deux enfants, casier judiciaire vierge, je paye des impôts (ce dont je suis fier), j'ai donné un an de ma vie à ma nation en faisant mon service militaire, je vote et je fais des dons à des oeuvres de temps en temps. Pour tout dire, j'aime également la République, j'aspire à un état de droit et regrette que tout le monde n'ait pas cette chance, et rempli volontiers mes devoirs — choses que j'enseigne d'ailleurs à mes gosses.
J'ai bon, là ? Je suis du côté des gentils ?
Ah mais oui mais non : il m'arrive aussi d'aller un peu plus vite que la vitesse autorisée, je fume un joint à l'occasion, il m'arrive sans doute de mentir, je me crois encore capable de mettre un coup de boule sous l'effet de la colère et je télécharge abusivement sur Internet.
Là, je dois certainement être un méchant à jeter au pilori... Alors condamne-moi, état de droit, je suis le pire de tes citoyens, je mérite l'opprobre et le fouet cinglant de ta justice immanente !
Mais au bout du compte, il y a quand même une chose que je ne fais pas : asséner en deux phrases des pseudo-jugement sentencieux et désobligeants pour le seul plaisir de mettre le nez de mon voisin dans le caca du politiquement correct.
@+ Farlen